Wednesday, May 10, 2006

Conclusion

CONCLUSION


Ainsi, j’ai tâché de montrer à autrui ce dont je suis moi-même pleinement convaincu, qu’il n’y a aucun MYSTERE dans le CHRISTIANISME, ou la religion la plus parfaite, et par conséquent que rien de contradictoire ou d’inconcevable, quoique l’on en fasse un article de foi, ne peut être contenu dans l’Évangile, si celle-ci est vraiment la parole de Dieu, car jusqu’ici mon argument s’appuie seulement sur cette supposition, pour des raisons qu’on peut voir vers la fin de la préface.u Ma prochaine tâche, donc, est (si Dieu le veut) de prouver que les doctrines du Nouveau Testament sont claires, possibles et très dignes de Dieu, aussi bien que toutes conçues pour le plus grand bénéfice de l’homme. D’aucuns ne me remercieront pas, il est bien probable, pour une entreprise si utile, et d’autres verront en moi de la graine d’hérétique, à cause de ce que j’ai déjà écrit. Mais comme c’est le devoir, et non l’applaudissement d’aucune personne, qui est la règle de mes actes, je n’accorde pas plus de valeur, Dieu le sait, à ce surnom ridicule d’hérétique que ne faisait Paul avant moi [Act. 24.14], car je ne reconnais aucune ORTHODOXIE sauf la VERITE, et, j’en suis sûr, là où se trouve la VERITE doit aussi se trouver l’EGLISE, celle de Dieu je veux dire, et non pas une faction ou un régime humain. D’ailleurs, étant donné qu’on impute l’hétérodoxie à la moindre occasion, par ignorance, passion ou malice, aussi libéralement de nos jours qu’aux jours d’Irénée et d’Épiphane[1], elle est souvent, au lieu d’un reproche, le plus grand honneur imaginable.
Certains hommes bons pourraient être portés à dire que, même supposant que mon opinion est bien vraie, elle pourrait quand même causer beaucoup de tort, car lorsque les gens trouvent qu’on les a trompés dans une partie quelconque de la religion, ils sont prêts à mettre l’ensemble en question. En ce qui concerne cette offense, il est clair qu’il s’agit plus de s’offenser que d’offenser, et mon dessein n’est en rien diminué si des personnes malintentionnées en abusent, comme elles font fréquemment avec l’érudition, la Raison, l’Écriture et les meilleures choses du monde. Mais il est manifeste à tous que ce sont les contradictions et les mystères dont on charge la religion injustement qui amènent tant de gens à devenir déistes et athées. Et de la même façon on devrait considérer que lorsqu’il y en a qui, n’en ayant pas la connaissance, sont éblouis par la splendeur soudaine de la vérité, leurs rangs ne sont pas comparables à ceux de ces personnes qui voient clairement à sa lumière. Parce que plusieurs se sont faits libertins et athées lorsque L’ARTIFICE DES PRETRES[2] fut mis à découvert lors de la Réforme, est-ce que Luther, Calvin et Zwingli étaient à blâmer pour cela ? Et lesquels doivent peser plus lourd sur leur compte : ces quelques sceptiques avec leurs préjugés, ou ces milliers qu’ils ont éloignés des superstitions de Rome ? Je conseille donc qu’on ne fasse pas de quartier à l’erreur, sous aucun prétexte, et je serai certain, partout où j’en ai la compétence et l’occasion, de l’exposer sous son vrai jour, sans rendre mon travail inefficace en allant faiblement par quatre chemins, ou en adoucissant quoi que ce soit.

FIN


NOTES
u [Dans la deuxième édition, un nouveau paragraphe s’intercale ici :]
Malgré tout prétexte que l’on puisse donner au contraire, il est évident qu’aucune doctrine ni aucun cas particulier de n’importe quelle sorte ne peut servir de réponse convenable à ce DISCOURS, car tant que les raisons de celui-ci tiennent, on doit trouver que tout cas que l’on puisse alléguer n’est pas mystérieux, ou, s’il s’avère un mystère, n’est pas divinement révélé. Il n’y a pas de voie moyenne que je puisse voir. Quand ces passages de l’Écriture que j’ai cités en faveur de mes assertions seront conciliés à ceux que quiconque apporterait contre moi, ou que seront réfutés mes arguments contre tous les mystères inconcevables, et l’absurdité d’une révélation par Dieu de tels mystères, ce sera alors, et pas avant, le moment pour les autres de sortir des exemples ou pour moi de les considérer. Et bien qu’en convaincant les gens que toutes les parties de leur RELIGION ne doivent pas seulement être solides et intelligibles en soi, mais doivent leur apparaître telles, je pourrais justement laisser à chacun de découvrir pour lui-même le caractère raisonnable ou déraisonnable de sa religion (ce qui n’est pas une affaire difficile, une fois que les hommes sont persuadés qu’ils ont le droit de le faire), mes devoirs à DIEU et au monde m’obligent pourtant à aller plus loin dans la mesure où je jouie de la santé ou du loisir, sans me limiter quant au temps, celui-ci étant une chose qu’aucun homme ne peut commander à sa guise.
[1] Ecrivaient tous les deux contre les hérésies : le premier (310 / 320 – 402), évêque de Salamine (Chypre), écrivit Panarion ou Pharmacie contre toutes les hérésies, où il énumère quatre-vingts hérésies, que traduisit Bossuet ; le deuxième (mort : début de IIIe siècle), évêque de Lyon en 177, écrivit Contre les hérésies, qui s’attaque surtout au gnosticisme. [N.d.T.]
[2] Anglais : « PRIESTCRAFT ». Baron d’Holbach, traducteur présumé du Nazarenus et des Letters to Serena de Toland, rend ce terme ailleurs par « imposture sacerdotale » : voir ses Pièces sur le clergé, traduit de l’anglais, Londres, 1767, qui sont en réalité, semblerait-il, des pièces écrites par d’Holbach lui-même, mais où, quoi qu’il en soit, il donne le titre original de la pièce : « La Coignée mise à la racine de l’Imposture Sacerdotale chez les Chrétiens, par un Laïque » comme : « The ax laid to the root of Christian priest-craft ; by a lay-man ». [N.d.T.]